Les personnes qui me connaissent bien me disent souvent que je vis plusieurs vies en une seule. Et les années passant, je commence à croire qu’ils n’ont peut-être pas tort …
En réalité, je pense n’avoir jamais connu l’ennui une seule fois depuis le jour de ma naissance …
Native de mon petit coin de Vendée au bord de l’océan atlantique, entre îles et bocage, marais poitevins et grands marins au long cours, voilà qu’un jour, le voyage m’appelle. Je ne suis pas encore majeure, mais “découvrir le monde” s’immisce en moi dès l’enfance. Lors d’un concours de dessin organisé par le maire de ma ville, je me vois remettre le premier prix … un appareil photo argentique jaune et noir de la marque Canon qui ne me lâchera plus pendant de nombreuses années.
Du haut de mon “arbre magique” dans la cour arrière chez mes parents, le monde me paraît aussi attirant qu’excitant. Plus fascinant encore à 10 ans, je peux maintenant l’immortaliser sur la pellicule. Puis c’est au collège et au travers des langues étrangères que je commence à voyager … de l’intérieur! À l’adolescence, j’épluche alors le moindre dictionnaire de langue qui me tombe sous la main. J’apprends l’anglais, puis l’espagnol, le russe, l'arabe, le turc. Et notre maison familiale devient un peu les Nations Unies … car dès qu’un nouvel étudiant étranger débarque dans mon lycée, dans les heures qui suivent son arrivée, il se ramasse systématiquement chez nous!
Dès 16 ans, je m’envole ensuite pour les États-Unis. J’y vivrai pendant un an tout en poursuivant ma scolarité au secondaire dans la région de Boston. De retour en Europe, je me lance dans des études supérieures en anthropologie et en linguistique. Je développe alors une nouvelle passion pour la culture inuite et j’apprends l’inuktitut (langue inuite du Nunavut) au sein de l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales à Paris. Le jour, je vais à l’école. La nuit, je fais des inventaires dans des magasins de sport et je deviens stagiaire au sein de la compagnie aérienne British Airways. Nouveau défi lancé! Pour mon 18e anniversaire, je m’offre une traversée à pied d’une partie de la frange ouest du Groënland en autonomie totale, à la boussole. 120 km de randonnée à la dure avec un sac plus lourd que moi ou presque, à dormir sous la tente, à manger de la bouillie de pemican que je finis quasiment par trouver délicieuse, entre pluie et glaciers avec pour panoramas, des paysages à couper le souffle, le silence infini, ma première rencontre avec le peuple Inuit croisé en chemin … et l’émotion ressentie en réalisant mes premières photos!
De retour en Europe, j’ai déjà un autre plan sur la table: celui de réaliser un voyage autour du monde à l’aube du nouveau millénaire, au coeur des populations locales. Projet qui sera commandité et récipiendaire de plusieurs prix. En 1998, j’entame alors ce périple qui m’amènera de Moscou jusqu’en Sibérie, puis de la Mongolie jusqu’au sud de l’Asie (Chine, Brunei, Vietnam, etc.), en passant par l’Océanie (Papouasie-Nouvelle-Guinée, Tasmanie, Australie, Wallis & Futuna, Polynésie, etc.), l’Afrique (Namibie, Kenya, Zanzibar, etc.), l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud (Équateur, Bolivie, Pérou, etc.). Je plonge dans les eaux profondes d’une abysse (à ne pas refaire en bout de ligne parce qu’honnêtement, c’était bien flippant) avec de jeunes papous, je séjourne dans une tribu Turkana proche de la frontière soudanaise par 48 degrés Celsius à l’ombre (quand il y en a) , je partage le quotidien des nomades de Mongolie sous la yourte, je me démonte le genou sur une mobylette en Thaïlande et je me frotte à de drôles de traditions ou dialectes dans chaque village hors des sentiers battus ou mal indiqués sur les cartes! Parce qu’un chemin de gravel sans panneau indicateur vient me chercher pas mal plus qu’une autoroute bordée de fast-food …
Le 1er janvier 2000, c’est sous la Tour Eiffel que j’entame le prochain chapitre de ma vie. Quelques mois plus tard, je m’envole vers le Québec, visa de résidence permanente en poche. Le département d’anthropologie de l’université Laval m’ouvre ses portes. J’y poursuis mes études jusqu’en maîtrise au CIERA (Centre interuniversitaire d’études et de recherches autochtones), pendant lesquelles je cumule des allers retours entre “le sud” = Québec et “le nord” = l’Arctique (Nunavut, Nunavik mais aussi Alaska). Cinq ans plus tard, j’obtiens mon diplôme et dans la foulée, ma citoyenneté canadienne.
Dans le même temps, le photojournalisme indépendant me travaille de plus en plus et je planche sur plusieurs projets de reportages. Je pars au Japon, je retourne en Chine puis au Kenya pour couvrir des élections. Puis je décroche une nouvelle bourse et m’envole vers le Mali pour deux mois afin de documenter le quotidien des femmes atteintes de fistule obstétricale, qui à cette époque dans ce pays, ne pouvaient pas bénéficier de la césarienne gratuite. Plusieurs articles sont publiés dans la presse africaine, je rencontre la ministre de la santé et j’ai enfin l’impression que la photo possède certainement ce pouvoir de véritablement changer les choses. Je m’embarque plus tard pour l’Ouzbékistan jusqu’à la mer d’Aral et le Tadjikistan, puis en 2012, je séjourne dans une tribu Embera dans la jungle panaméenne.
La photographie finit par prendre de plus en plus de place à chacun de mes séjours à l’étranger. Et je partage chaque fois des moments forts en émotions avec les locaux au travers de ce médium.
À la veille de débuter mon doctorat, je décide d’emprunter une autre voie que celle des longues études universitaires et qui me semble certes plus incertaine … mais plus stimulante à mes yeux! Après un détour par l’enseignement (notamment en photographie) et le journalisme, je me lance officiellement à mon compte comme photographe à la naissance de ma fille. Après tout, elle me faisait de l’oeil depuis tellement d’années qu’il était temps que je lui consacre toutes mes énergies. Depuis, c’est un métier passion qui continue de m’habiter et dans lequel j’évolue avec le même enthousiasme qu’à 20 ans.
Grâce à la photographie, je côtoie des univers extrêmement diversifiés, je rencontre des humains jamais ordinaires et je m’émerveille de tous les petits et grands voyages que la vie quotidienne m’apporte.
Photographier des familles ou des mariages me ramène au photoreportage ou chaque cliché se doit de livrer des instants qui racontent une histoire.
Photographier des portraits d’affaire me transporte dans d’autres univers de travail que je n’aurais pas la chance de découvrir autrement. En salle de réanimation, en haut d’une tour à Montréal, sur une ferme au milieu d’un troupeau de vaches ou en équilibre bien contrôlé sur un chantier de construction … je suis facilement à l’aise partout!
Photographier les danseurs, c’est aussi être une spectatrice passionnée par cet art sous toutes ses formes. Et c’est également aujourd’hui, une façon d’accompagner ma fille adorée dans son voyage à elle dans le milieu du ballet classique. Élève interne au Canada’s National Ballet School à Toronto à seulement 11 ans, c’est loin de sa famille qu’elle poursuit son rêve et que je réalise, comme maman, que le gène de l’ambition n’a jusqu’ici pas vraiment sauté de génération!
Enfin j’ai une grande admiration pour les gens qui osent être ce qu’ils sont, qui n’ont pas peur de foncer, qui brillent à leur façon, peu importe leur passion. Que vos projets soient complètement en décalage avec la norme ou que vos idées soient modestement folles, c’est tout simplement vous tels que vous êtes que j’aime photographier.
Au grand plaisir de vous rencontrer ou de vous revoir en avant de mon objectif!
Laëtitia (qui signifie “joie” en latin).